La haute culture d'Arles
La réconciliation d’une cité antique avec la modernité artistique. De loin, sa haute silhouette argentée évoque un geyser surgissant de la plaine de Camargue, cette région sauvage bordant la Méditerranée. De près, dominant d’anciennes friches industrielles transformées en centre d’art contemporain par la Fondation Luma de la mécène suisse Maja Hoffmann, la tour cylindrique conçue à Arles par Frank Gehry tranche avec l’horizontalité d’une ville romaine ponctuée par l’obélisque de sa grande place et les clochers de ses églises.
Créateur du musée Guggenheim de Bilbao et de la Fondation Louis Vuitton à Paris, l’architecte américano-canadien a voulu que sa structure torsadée, érigée sur une rotonde qui fait écho aux anciennes arènes, évoque l’émergence des blocs rocheux des Alpilles environnantes. Mais au coucher du soleil, frappées par ses rayons rasants, les milliers de facettes en inox qui l’habillent rappellent La Nuit étoilée de Van Gogh, peintre de la lumière provençale et Arlésien d’adoption.
Symbole du mariage d’Arles, cité antique multimillénaire, avec l’innovation artistique, la tour de Frank Gehry, baptisée « tour Luma », illustre la philosophie du projet de la mécène suisse.
Héritière des laboratoires Hoffmann-La Roche, Maja Hoffmann connaît bien Arles, petite ville du sud de la France lovée dans une anse du Rhône. Elle y a grandi. Son père, Luc Hoffmann, a construit dans les années 1950 une station biologique dédiée à la conservation des marécages camarguais, où prospèrent flamants roses et taureaux sauvages.
Malgré une vie tourbillonnante entre Bâle, Londres et New York, Maja Hoffmann n’a cessé de retourner à Arles. Et de favoriser son rayonnement, longtemps adossé à des merveilles architecturales romaines inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco, et depuis les années 1970, à la photographie. Grâce aux Rencontres de la photographie, festival estival à la portée internationale, Arles est aujourd’hui au huitième art ce que Cannes est au cinéma.
Elle, Maja Hoffmann, vit au rythme des beaux-arts dont elle veut célébrer la transversalité : la Fondation Luma (une contraction des noms de ses deux enfants, Lucas et Marina) voit le jour en 2004.
Cette structure artistique entend aussi sauvegarder l’environnement. Eviter une urbanisation sauvage de la Camargue et du delta du Rhône et faire de la culture un élément dynamique de développement : c’est sur cette idée que s’est nouée l’alliance peu commune entre l’héritière Maja Hoffmann et le maire d’Arles de l’époque, Hervé Schiavetti, convaincu que la culture peut faire vivre une ville et son territoire.
Pour protéger ses monuments antiques – ses arènes inspirées du Colisée de Rome, son théâtre, son forum, ses thermes romains, ses remparts – et ses hôtels particuliers du XVIIIe siècle, Arles a mis en place un secteur sauvegardé.
Chaque année les Luma Days réunissent à Arles les grands artistes du moment – les plasticiens Gilbert et George, la photographe Annie Leibovitz, le chorégraphe Benjamin Millepied – et célèbrent de grands architectes ou designers disparus comme Jean Prouvé et Charlotte Perriand.
Une programmation à la mesure des citoyens d’honneur d’Arles : Vincent van Gogh, dont la fondation, présidée par Maja Hoffmann, accueille des créateurs modernes et contemporains, ou l’artiste minimaliste coréen Lee Ufan, qui a choisi la cité provençale pour sa propre fondation.
Le beau attire le beau et la culture d’autres cultures : archéologie, photographie, gastronomie, cinéma, Arles brille de mille feux.